Le camp des Groues Orléans
Depuis le début de
l’année 1915, des interventions se succèdent dans les chambres
parlementaires et dans les assemblées territoriales visant à
exploiter la force de travail dormante dans les camps de prisonniers.
Compte tenu des accords de la Haye , les belligérants peuvent faire
travailler leurs prisonniers à des tâches qui normalement ne
doivent pas concourir à l’effort de guerre. Si les travaux
agricoles paraissent à première vue assez loin de cela, que dire
de l’emploi par l’ONF à la coupe des bois qui serviront au
chauffage, certes, mais beaucoup à l’étaillage des tranchées.
Le siége de la 5e région
militaire étant à Orléans, la ville va vite devenir un centre de
tri des prisonniers de guerre qui viennent de l’Est ou du Nord.
Pour faire face à cette exigence dès le début de 1915, on envisage
de construire un camp à proximité de la gare des Aubrais, à
l’extérieur de la ville ,
Cette zone au nord d’Orléans, au bord
de la voie de chemin de fer doit son nom à une ancienne ferme, que
l’on retrouve sur les plans du XIXe de la ville. Cette zone fut le
premier
aérodrome au début du XX avant que celui de Bricy ne soit mis
en service. Si on en croit cette article du journal
du Loiret il n’était pas d’excellente qualité (4e
colonne Haut)
Création
Au printemps 1915, on érige des
baraquements de Type Adrian et des tentes.
Le commandant du camp est nommé un
lieutenant de la territoriale : le lt*colonel Joubert.
Dans son édition du 15/07/1915, le
journal du Loiret annonce l’arrivée des 200 premiers prisonniers
en provenance de Coétquidan. 120 seront débarqués aux Murlins,
(Station d’approvisionnement) puis à pied et sous bonne escorte
rejoignent les Groues. L’accueil de la population n’est pas sans
animosité , le commandant de la place se fend le jour même d’un
communiqué invitant celle-ci :
- « à se tenir à une distance raisonnable de la clôture et à ne pas se laisser aller à une attitude agressive...»
Rôle
Au cours des 4 années
qui vont suivre, si son rôle de dépôt est bien clair avec des
chantiers ou détachements dans le département le tri des
prisonniers en fonction de leur grade mais aussi de leur nationalité
avec un regard un peu particulier pour les alsaciens lorrains.
Les officiers ne sont pas mélangés à la
troupe, on l’a vu, et surtout, ils ne peuvent être soumis au
travail, contrairement aux hommes de troupes.
Le problème des
alsaciens
lorrains, 20 000 en France, est plus complexe, il faut leur
proposer de reprendre les armes de notre coté grâce une procédure
un peu particulière qui les fait transiter dans la légion
étrangère, la nationalité française était accordée aux
Alsaciens et Lorrains acceptant de s’engager dans l’armée
française. pour les affecter sur des fronts en Orient, Salonique, ou
dans la marine afin de leur éviter les fronts de l’ouest. Ceux
qui passeront à Orléans seront dirigé vers Le Puy , ensuite
vers les 3 Camps qui leur sont réservés : Lourdes,
Monistrol-sur-Loire, St Rambert-sur loire.
Camp pivot, les Groues
sont aussi un camp dépôt avec des annexes ou chantiers qui en
dépendent. Un document de source allemande (1918) cartographie ses
annexes qui sont autant de chantiers; Il nous est difficile de savoir
le nombre de prisonnier affecté pour chaque chantier. On en recense
17 qui sont plutôt positionné à l’ouest du département allant
de Pithiviers( La sucrerie), à Sully sur Loire a l’est
C’est sur la pression des agriculteurs de Pithiviers, bien
représente au Sénat, qu’un premiers contingents de 200
prisonniers est alloué au département du Loiret avec la création
d’un dépôt (JDL du 15/06/1915). le problème, contenu du manque
crucial de main d’œuvre partout, des modalités de garde pas moins
de 20 prisonniers, affectation aux collectivité territoriales, les
satisfaits seront peu nombreux !Exemple, au mois de décembre, un détachement (50 hommes) sera affecté à la coupe des bois en forêt d’Orléans, il va cantonner au village des Bordes.
Autre exemple, cette fois on trouve dans le rapport d’activité du directeur de l’asile d’ aliéné (‘Conseil général d’août 1916, Gallica):
« Nous avons pu mettre en œuvre des travaux qu'il nous eût été impossible d'entreprendre avec la main-d’œuvre hospitalière. A la porcherie, notamment, un hangar immense qui servait jadis au dépôt des vidanges militaires, et qui contenait intérieurement d'énormes cuves en ciment, a été complètement démoli par les prisonniers. De ce hangar, nous en avons fait deux qui ont été édifiés ….»
Plaque tournante
Un document précieux, (archives municipales Orléans), basés sur les Rapports de police municipale (16 septembre 1916-12 novembre 1918), liste, entre autres, les mouvements de prisonniers allemands à partir de la place. Nous en avons extraits tous les mouvement de prisonniers, en entrée, en sortie, en transit avec les provenance et les destinations , pour en faire un tableau et 3 cartes. Le relevé des données ne commence qu’au mois septembre 1916, il nous manque une année et demie pour avoir un panorama complet.(extrait ci dessus)Dans ce document , nous avons relevé les lignes qui traitent d’une entrée , d’une sortie, d’un transit, souvent un mixte. Pour chaque type de mouvement on établit une ligne, le nombre de prisonniers, la provenance, la destination pour aboutir au tableau ci contre.
Pas loin de 30 000 prisonniers sont passés par Orléans dont 27 726 ont séjourné au moins une nuit aux Groues.
Les 3 cartes ci dessous illustrent ce propos.
Sur celle des sorties , une destination est un peu particulière puisqu’elle concerne les prisonniers qui sont rapatriés. 2 fois en 1917, (223 puis 305) et encore deux fois en avril 1918 (95 au titre de l’échange,puis 40 blessés)
Enfin une destination plus particulière, 8 seront conduits à la prison militaire pour « délits militaire sur le front » le 2 octobre 1917.
Plus de 11
530 prisonniers transiront par Orléans durant les 3 années de
relevé, dont 7230 en 1918, 2813 pour les 4 mois de 1916 et seulement
1400 pour l’année 1917.
Pour plus de la moitié, pas de
provenance connue. Les 2/3 des prisonniers dont on connaît la
provenance viennent du front.Ils seront redistribués dans presque toute les régions de France, à l’exception du grand quart nord est, si dans la régions de Dijon il y a des camps, la place d’Orléans n’y fera pas d envois
Les relations Orléans - les Groues – Montargis
En janvier, février 1917 260 allemands dont 50 en provenance de Coëtquidan seront dirigés sur Montargis, nous en reparlerons.
180 quittent Montargis pour le Mans le 11 novembre 1918.
2236 iront du camp des Groues vers Montargis dont 160 sur 1916, 506 en 1917 et 1570 en 1918 dont plus de 800 dans le dernier mois avant l’armistice.
A l’inverse le flux Montargis les Groues est 4 fois plus faible : 568 gefreiters feront ce transit.
A travers ces chiffres on constate que les prisonniers de guerre sont une variable d’ajustement de la grande difficulté dans laquelle se trouve la main d’œuvre. On déplace des contingents pour faire les vendanges, les moissons.
Tranches de Vie
Pour évoquer la vie au jour le jour du camp de Groues, le journal
du Loiret et les documents iconographiques que nous avons pu récolter ça et là, serons mis à contribution. Le journal grâce à sa date
de parution nous permet une chronologie assez fine des événements
contrairement aux documents iconographique qui sont rarement datés
précisément.
Une des activités principales de la journée est bien sur la
préparation du repas et sa consommation, sous l’œil avisé du
feldwebel de service.
Le premier encart concernant la vie des prisonnier est mentionné
dans le programme du cinéma Apollon le 15 avril 1915 pour ses
séances du week end , où en première partie, avec d ‘autre
documentaire, on annonce « la vie des prisonniers
allemands film pris sous le contrôle du ministère de
la Guerre ».
Le 28 avril 1916, on relate le procès du Sergent Berton, en
charge du détachement du Château de Chambord. Devant le conseil de
guerre de la 5e région il doit répondre de 4 évasions,
de fraternisation, et d’avoir fait pénétrer des personnes
étrangère à l’intérieur du camp. Il risque gros d’avoir
enfreint les règlements, pour une « petite fête organisée
le soir de la Noël 1915 ! » il sera blanchi pour les
évasions, mais pas pour le reste. Comme quoi , il y avait des
gardiens compatissant à la limite du laxisme.
L’été 16 bien en place, par groupe de 10;20;30 ;50 le
camp fournit des travailleurs agricoles pour les moissons, très
appréciés par les agriculteurs,-JDL du 5/8/1916
le 11 mars 1917, l’emploi de cantinière du camp est vacant, on
recrute donc. « l’emploi est réservé aux veuves ou mères
de militaires tués à l’ennemi, ou décédés des suites de
blessures, ainsi qu’aux mutilés revenus du front. » deux
ans plus tard en juin 1919 la place sera de nouveau vacante, le camp
à encore 6 mois de fonctionnement avant la fermeture.
En 1917 les restrictions commencent à se faire sentir, la
population est vigilante à ce que les prisonniers « Boches »
soient traités sans faveur et dans une stricte réciprocité avec
les prisonniers français en Allemagne. Les restrictions sur le
sucre, le pain et la viande vont s’appliquer sans vergogne.
Un petit fait va retenir notre attention :
Tout les jours dans cette année 1917, une centaine de prisonniers
sont transportés par 4 camions du camp vers leur chantier de
nivellement destiné à une usine de la rue d’Ambert.
« il y avait ainsi 4
navettes tout les jours et qui passaient fièrement le long du Mail
Alexandre-Martin en se riant de la crise de l’essence
et des circulaires de M. Violette.
Mais depuis deux jours tout a changé-est ce faute d’essence
ou de justes réclamations ? Nous
ne voulons pas approfondir.
Les prisonniers qui voyageaient en auto arpentent maintenant le
trajet à pieds, et font de ce fait le
trajet 4 fois par jour ». le midi retour au camp pour le
repas, soit 4 heures de trajet . La journée est écourté d’autant.
« On pourrait, faire porter la soupe au chantier, un
vieux carcan ferait l’affaire, il n’userait pas d’essence lui.
Mais c’est trop parlé ; on nous prévient qu’il
faut que ces messieurs mangent chaud. Alors... » (JDL
5/5/17).
En janvier 1919 une
baraque va disparaître dans les flammes, les pompiers une fois
arrivé ne constateront que les dégâts, les responsables du camp,
voire les
prisonniers
auront attaqué
le feu avant l’arrivée
des secours.
Le camp va se vider dans l’été,
un fort contingent,
1000 prisonniers, quitte les baraquements pour aller travailler dans
les zones libérées pour commencer les travaux de déblaiement et de
déminage. « Ils
ont le sourire aux lèvres ». Ils pensent sans doute que leur
rapatriement commence, ils vont vite déchanter !
Si
le camp se vide de prisonniers, les lieux sont aussitôt affectés à
de nouveaux résidents :
« Les chinois ont
évacué ce matin les bâtiments qu’ils occupaient à la caserne
Coligny. On va les installer au camp des Groues »
JDL 7/7/1919.
Les Évasions
Tout prisonnier de guerre à le « devoir » de tenter s’évader à l’instar d’un certain capitaine de Gaulle qui le fit 5 fois.
Les tentatives sont signalées dans les journaux et bien sur le
journal du Loiret ne déroge pas à ce devoir de prévenir la
population en fournissant une brève description des fuyards. En
règle générale les échappés sont repris dans la semaine, et les
tentatives s’effectuent à partir du printemps et en été. 35
signalements en 1916 dont 2 a partir des Groues, 6 signalement en 17
dont 3 des Groues.
Exemples : le 20 août 1916
« le prisonnier allemand Prell Adolphe,20 ans ,
cheveux et sourcils noirs, yeux noirs, front haut, nez fort, bouche
grande, menton rond, visage ovale, taille 1m78 s’est évadé du
détachement de st Pierre des Corps (Indre et Loire) »
le 26/10/1918 : Deux Boches
capturé dans le parc de la fontaine à Oliviet.
« Le 25 octobre, vers 8 heures, Melle Baudu, fille du concierge du château de la fontaine, voyant passer sur une des pelouses du parc deux individus qui lui paraissait être des prisonniers boches, prévint son père ainsi qu’un brigadier du service automobile Qui manœuvrait aux alentours . Ceux-ci se mirent à la recherche des deux individus qui ne tardèrent pas à être découvert dans un massif d’arbre. A la vue d fuil que portait M. Baudu, les deux prisonniers levèrent les bras en l’air ; puis à l’aide de deux soldats automobilistes qui l’accompagnait les remit au brigadier. Celui-ci les fit monter en automobile et les conduisit au camp de Groues d’où ils s’étaient évadés sous prétexte, paraît il d’une nourriture insuffisante. »On pourrait presque broder une romance entre la fille du concierge et le brigadier automobiliste... C’est la dernière tentative d‘évasion que j’ai retrouvé dans la presse du loiret.
La Fermeture
Durant toute l’année 1919, compte tenu de la pression du gouvernement français qui se sert du volant des prisonnier pour faire plier les négociateurs allemands à ses vues, le camp va perdurer. Deux événements toutefois permettent d’en entrevoir la fin :- le 8 février 1920, La visite d’une délégation allemande 3 prêtres catholique et trois pasteurs protestants vont venir pour constater l’état de santé des prisonniers et préparer leur retour, à la charge entière du gouvernement allemand
- le 5 août 1920 la chefferie du génie du la 5e région met en vente les baraques du camp des Groues, ceci signe de ce fait la fin du camp.
Bonjour. A la recherche des traces de mon grand-père pendant la Grande Guerre, j'ai finalement trouvé le camp où il a été interné comme prisonnier de guerre. Autant que je me souvienne, il y a été traité correctement. En tout cas, il n'a jamais rien dit de négatif à ce sujet. Plusieurs fois, il a balayé la place du martroi. Il a ensuite travaillé dans une ferme voisine où il se débrouillait très bien.
RépondreSupprimerMerci pour cette information !
J.M.