mardi 29 avril 2014

Un espion au 82e , officier de surcroit !

Résidence du Dr Lambert à Ferriere


En aout 1914 à la mobilisation, le 82e RI, à la Caserne Gudin, complète ses effectifs en Officiers. Voir la composition de l'état major sur le JMO page 5-6.
On retrouve la composition de l'encadrement santé :

                   Médecin Major de 1er classe Donier: chef de service
                   Médecin aide major de 1er classe Jughon:1er bat
                   Médecin aide major de 2e classe réserve Desvaux de Lyff :2e bat
                   Médecin aide major de 2e classe réserve Lambert :  3e Bat

L'un d'entre eux, l'aide Major Lambert, quitte sa clientèle de Ferrière et sa famille pour rejoindre.  Il a repris la clientèle du Dr Pophillat de ce chef lieu de Canton en 1910. Jeune Médecin, il a alors 30 ans.






En effet, il est né à Jargeau le 17 juin 1880 où son père et grand père étaient pharmaciens. il fit son service militaire au 131e RI à Orléans. A ce jour pas d'informations sur sa formation, ni son mariage.

Il va faire plusieurs périodes de réserve soit au 131e, soit plus tard au 82e , la dernière en juin 1914.

Or donc, après avoir rejoint son affectation à la caserne Gudin,  muni de son impédimenta, il va suivre les pérégrinations de son bataillon, le 3e, durant le mois d'Aout, Départ en train le 5 Aout, complètement du régiment à Troyes, puis débarquement à Lérouville. Il va monter vers Longuyon et Longwy pour participer à la bataille dite des Frontières (Voir le trajet ). Le 23 et 24 Aout il connait le feu 1er combats, 1ere pertes. Cette année 1914, août est torride, les hommes ont soif , surtout avec les marches et leur équipement complet, la qualité des eaux n'est pas assurée, et dès lors que commence la retraite le 25 Aout, notre Pierre Lambert atteint de Gastroentérite, demande son évacuation. La suite nous est conté dans un rapport que lui même écrit à son colonel le 30/10/1914. C'est ce rapport , un tapuscrit daté et signé que nous avons retrouvé dans le Fond Local de la médiathèque de Montargis.



Le médecin aide major de 1er classe Lambert
à Monsieur le Colonel Ponsignon, commandant le 82e régiment



J'ai l'honneur de vous rendre compte des faits suivants:



le 25 août 1914, souffrant depuis longtemps de crises d'entérite et pris de vomissements, le docteur Donier, médecin Major de 1 er classe chef de service du régiment m'évacua avec un billet d'hôpital portant la mention "embarras gastrique" écrite au crayon. Le 82e se trouvait alors à Delut (Meuse) et je devais me rendre à dix kilomètre de la à Damvillers (Meuse) où devait être installée une ambulance. Je partis donc , faute d'autre moyen de transport, à cheval avec mon ordonnance marchant à coté de moi.

 Arrivé à Damvillers, il n'y a pas d'ambulance, un médecin de ce village le couche dans un hôpital improvisé installé dans une école, il l’examine et le couche. Deux heures plus tard, le dr Donier, médecin de son régiment arrive à cheval et lui dit


« les Allemands sont derrière nous ils seront ici peut être ce soir, tacher de gagner Verdun pour ne pas être prisonnier »

 Toujours pas de moyen d’évacuation, le médecin du lieu lui conseille d'attendre le départ en charrette d'un des habitants qui doit gagner Ornes à 10 km où il espère prendre un train sur Verdun.
(Ornes est à 11km de la gare d'Eix Ablaucourt sur la ligne Etain Verdun par le tunnel de Tavannes, puis 9 km de chemin de fer jusqu'a Verdun.)


Le voyage dura trois heures et je n'oublierai jamais le spectacle de ces pauvres gens fuyant l'invasion que j'essayais de consoler. De nombreuses voitures nous précédaient et nous suivaient , au loin on voyait un immense incendie, Étain brûlait.

 Ornes n'est pas inconnu de notre aide major, en effet il y a cantonné 8 jour auparavant, (voir trajet), dans une petite épicerie de ce village, il se rend à son dernier cantonnement, où manque de chance la chambre est déjà occupé par un officier, il s'installe dans le grenier, tremblant de fièvre et de soif, se couche dans la paille. 
1/2 heure plus tard, un sergent et des hommes arrivent, il leur demande: quels étaient les pays qui brûlaient au loin en déplorant les tristesses de la guerre et la misère des habitants obligés de partir en hâte de chez eux
Le lendemain matin le 26 août il se lève à 4 h dévoré par la soif, son hôte lui donne à boire, sur le départ pour rejoindre la gare (?) et là tout bascule...
" ...quatre hommes armés et un sergent du 288 régiment infanterie me mirent la main sur l'épaule..."
 d'ou viennent ces soldats du 288eme RI. 
Ce régiment de réserve vient du Gers, il s'est formé à Mirande et dédouble le 88e, rejoint d'Auch
Il est sous les ordres du Lieutenant colonel Simoni, dépend de la 134e brigade et de la 67e division. Après 4 jours en train, il débarque à Suippe le 15 Aout, puis marche, Suippe, St Menehould, Vraincourt par les Islettes et Clermont en Argonne, puis cantonne à Moulainville, en passant par Bras sur Meuse, le fort de Douaumont, le 22 août  il est au avant poste entre Bouligny et Donremy La Canne 


Le 24 et 25 aout les combats d'Eton font de lourdes pertes dans les rangs de la 134 brigade
le régiment et la 134 brigade se replie sur Ornes où ils  cantonnent.

un capitaine et à un lieutenant ... étaient derrière eux et avaient du donner des ordres aux homme qui me gardaient. Ils m’ordonnèrent de leur remettre mon revolver et laisser mon épée et mes bagages ,un sac de toile et une trousse de toilette, dans la maison et de les suivre 
Je leur racontais mon histoire. Le lieutenant dit alors que je mentais et j'étais certainement un espion Allemand déguisé en médecin major français et qui depuis quelque jours « rodait » dans les bois.

Cela va se corser...
Devant cette accusation, Pierre Lambert, va produire toutes sortes de preuves et de faits à ses accusateurs, que son hôte le connaissait bien, etc et pour faire bonne mesure, on arrête en même temps son hôte. Il est donc embarqué sous bonne garde, menacé d'être embrocher.
A 1km de village, au milieu d'un champs, le Lieutenant Colonel Simoni, commandant le 288e vient l’interroger, déclare que son billet d'hôpital est un faux, écrit au crayon et sans cachet,  les lettres de sa femme, comme provenant du pillage d'un médecin français, ses chaussures un article boche par leur forme etc...
Il demande à être examiné par le médecin du régiment le dr Ortal assisté des auxiliaires Caubert et Bonafé (pas à l’organigramme du ce régiment), ils l'interrogent sur ses connaissances médicales, examinent sa trousse, son brassard, malgré leurs déclarations, le Lt-colonel reste sur ses présomptions
"je pouvais être médecin mais en même temps espion. J'ai su depuis que c'était grâce à mes confrère que je n'avais pas été fusillé immédiatement dans ce champs où l'on avait fait une halte sans être interrogé, ma qualité d'espion était trop évidente pour être davantage prouvée."
La machine hiérarchique se met en place, on les transfère à l'autorité supérieure, la brigade où le colonel Chiche le fait garder à vue, un capitaine l'insulte, bref il ne se fait plus guerre d'illusion sur son sort,
"Vers 10 heures un officier d'état-major de la brigade vint m'insulter et me dire que je serais fusillé dans une heure ajoutant que je ferais mieux d'avouer que j'étais un espion chose évidente par mon accent."
"Vers midi, il appela un sergent et les quatre hommes qui me gardaient et leur dit « Route de Bezonvaux, vous savez ce que vous avez à faire vite allez » je lui demandais si on allât me fusiller, il ne me répondit pas mais se mit à rire méchamment. J'étais atterré et faillis tomber à la renverse."
"Vers 10 heures un officier d'état-major de la brigade vint m'insulter et me dire que je serais fusillé dans une heure ajoutant que je ferais mieux d'avouer que j'étais un espion chose évidente par mon accent"
était ce le Capitaine Lauth ou bien le capitaine de Boixo ? en tout cas, non content de l'insulter le brutaliser et le menacer:
"il appela un sergent et les quatre hommes qui me gardaient et leur dit « Route de Bezonvaux, vous savez ce que vous avez à faire vite allez "
il pense sa dernière heure arrivée
  il est en fait conduit 2 km plus bas à Bezonvaux à la division, il est alors 13 heures


Le village n'est pas encore  détruit comme il se sera 2 ans plus tard, puisque l'état major de la division réside dans un vieux château prés de l'église.
 Et là encore, il ne sera pas cru puisque " tout en moi sentait l'espion et qu'il voyait très clair... /...avec son accent du midi, me dit j'étais bien Boche car j'avais l'accent allemand très prononcé."

Le général de la division Marbail ouvre sa fenêtre et le défie du regard:
"et mettant la main à son revolver il me dit « Baissez les yeux ou je vous brûle la cervelle, vous êtes un espion ."
Il reste jusqu'au soir dans cette cour sous la garde de gendarmes lui posant sans relâche des questions qui toute concluent qu'il était bien boche !
A huit heures , il est transféré sur Verdun en automobile, on lui refuse d'aller à Ornes chercher ses bagages et son épée.
A 9 heurs il arrive à Verdun et mis à la disposition du dépôt des espions et suspects sis dans le Café des balcons
 On retrouve la trace de cet événement dans le JMO de la prévôté de la 67e division à la date du 26 août.
"deux individus sont remis à la gendarmerie et transféré a Verdun

Café des Balcons Verdun dégât du à la guerre
Là un commissaire de police, l’écoute et enfin le croit, le lendemain un capitaine du conseil de guerre de l'armée de Lorraine vient le voir , il regrette l'erreur commise par des officiers ayant l'espionnite aiguë et le conduit à l'état major de l'armée, ou comble de bonheur pour lui il rencontre une de ces connaissance le capitaine de Gendarmerie de Montargis Gavarreau.
Il demande à rejoindre alors son régiment qui se bat à Cunel , Dun sur Meuse, Cléry le grand et le petit, rive gauche de la Meuse ou ses talents de médecin vont être mis de nouveau a contribution, dans les combats meurtrier de cette fin du moi d’août.
 En fait, son colonel se fait blesser dans ces combats, il ne peut lui faire son rapport, et vers le 15 septembre, son général de brigade (18e) l'informe:
« vous savez l'estime que j ai pour vous, mais j'ai le regret de vous apprendre que vous avez trente jours d'arrêt de rigueur pour avoir tenu des propos démoralisants devant la troupe, hors de votre cantonnement sans billet d'hôpital »

Belle conclusion à toute cette affaire,  notre Aide Major est outré, et à la Maison Forestière du four des Moine , en Argonne, il rédige son rapport à son colonel et avec véhémence proteste contre les allégations qui lui sont faites et la punition encourue.

Une coupure de presse de la république du centre daté du 24 avril 1962, pour sa promotion officier de la légion d'honneur nous donne quelques informations de son devenir. (son dossier sur la base Éléonore n'est pas disponible en ligne).
Il a  fait toute la guerre, en particulier devant Verdun , reçoit de nombreuse citation, puis promu capitaine est envoyé a l'armée d'orient, décoré par le roi de Serbie.
A la démobilisation en 19 retrouve sa clientèle, engagé au parti radical socialiste, devient maire de sa commune de 1921 à 1931.
 il décède à Ferriere en gratinais en 1967. à 87 ans .

Son histoire de début de la guerre est elle exceptionnelle ? Si on en croit une recherche rapide sur un forum bien connu, pas vraiment rare compte tenu de l'ambiance de l'époque et de cas semblables.

rapporté par un gars du 74e. Fait non daté (mais à priori datant du début 1915), et que je n'ai pas pu recouper avec des documents officiels .

"Un officier porteur d'un brassard d'Etat Major circule dans une des tranchées de première ligne posant des questions aux hommes qui l'occupent.

L'un de nos sous-officiers, intrigué de la visite de cet officier d'Etat Major qu'il ne connait pas et qui ne parait pas être accompagné d'un homme du régiment, l'aborde. Tout en s'excusant de se conformer aux ordres généraux, il lui demande de bien vouloir accepter d'être conduit jusqu'au gourbi de son commandant de compagnie et prudemment se fait escorter de quatre hommes. Toujours avec la plus parfaite urbanité de part et d'autre, le Commandant de compagnie s'informe du nom de son visiteur et de son appartenance à tel Etat Major. Alerté par téléphone, l'Etat Major répond que le nom de cet officier est inconnu. Il est donc proprement arrêté, puis conduit, sous bonne escorte, aux autorités supérieures. On devait apprendre par la suite qu'il avait été fusillé comme espion."
(s@gosto forum14-18)

Le pourquoi de la défiance de ses soldats du 288e repose en fait sur trois choses:
- Il parle comme un Boche, pour un gas de Mirande ou de Foix, c'est le parler Gatianis ressemble à du Boche, 
- Il pose des questions sur les localités qui brûlent , suspect cela.
- Il porte des chaussures de marche de Forme Boche.
- Et que faisait il dans un grenier avant l'arrivée des troupes, il rodait...

Le document ne nous donne pas d'information sur son compagnon de "fortune".



Sources: 

  Rapport dr Lambert Fond Perruchon médiathèque de Montargis
le PDF de la transcription
Rep du centre 1962
AD du Loiret Commune de Jargeau

JMOs

   82 ri
   288 Ri p6 26 aout
   134 Brig p6
   67 Div p7-8

Historiques


Forum 14-18


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