vendredi 11 mai 2018

Des prisonniers Allemands dans le Gâtinais (8)


Le rapatriement

Le 18 Janvier 1919 le Gâtinais tonne :
« Il y a actuellement au dépôt de la gare de notre ville 5 locomotives allemandes et 45 agents allemands,15 mécaniciens et 30 chauffeurs.
Ces boches, qui sont logés dans une baraque Adrian, dépendant du dépôt, prennent leurs repas à l’hôtel Millet ou ailleurs, et peuvent circuler librement en ville, où on les rencontre se promenant tranquillement.
Oublie -t’on en haut lieu que nous sommes encore en guerre et que la paix n’est pas encore signée
Alors que nos poilus permissionnaires de passage ne peuvent sortir de la gare pour déjeuner ou dîner, les Boches , eux autres, se promènent sans être inquiétés et vont au café et à l’hôtel. »
Une semaine plus tard le commandant d’armes de Montargis communique la note suivante :
«  La commission d’armistice interalliée ayant exigé du gouvernement allemand l’envoi en franque de mécaniciens pour piloter provisoirement les machines allemandes, d’agents et ouvriers allemands, et remédier ainsi à la crise des transports, la population Montargoise est prévenue que ces employés allemands, sont autorisés d’après les convention de d’armistices à circuler librement dans la ville sans être inquiétés ».
Le commandant de place met, quand même, en place des patrouilles qui reconduisent à la gare les mécaniciens « qui feraient l’objet d’une manifestation quelconque »

La liquidation du camp

À partir du mois de février 19 le camp se vide un peu : 1000 prisonniers seront envoyés pour la reconstruction des régions « libérées », affectés auparavant à l’exploitation des bois . Puis un contingent de 800 prisonniers. Mais les « agriculteurs » eux restent en place, trop précieux à la région.
Au mois d’Août 1919 le conseil général demande encore pour les travaux agricoles , des prisonniers « qui regorges dans les camps »...
Jusqu’aux derniers jours de 1919 des prisonniers vont séjourner dans ce camp
Les baraquements ne seront pas détruits, la municipalité s’en servira pour y loger des ouvriers avant la destruction de ceux ci plus tard. Des fouilles archéologiques préventives ont été faites sur la place il y a peu de temps, avant les travaux de remise en état de la place Jean Jaurès : On y a retrouvé les soubassements d’implantation des baraquements les plus petits.

Les modalités de Rapatriement

Les prisonniers vont être une monnaie dans le processus du traité de Versailles, la position de la France étant la plus intransigeante des Alliés. Elle entend faire payer à l’Allemagne les dommages de guerre et les atrocités en retenant ses soldats vaincus en otages loin de leurs familles. La notion de juste châtiment est bien présente dans l’esprit de Clemenceau et de la plupart de ses contemporains.
les Alliés entendent aussi priver l’Allemagne d’effectifs importants à un moment où le pays conserve un potentiel militaire important.
Il faudra attendre le mois d’août début septembre pour que se mette au travail la commission interalliée . Elle tiendra sa première séance au Quai d’Orsay. La France y sera représentée par le colonel Jouvin et M. Alphand.
De fait, dès la mi septembre, les prisonniers détenus dans les camps Américains en France, bénéficieront de la mise en place de leur rapatriement
Les Anglais font de même , en faisait circuler au moins trois trains par jour sur le réseau français.
La France va garder le plus longtemps possible ses prisonniers. Elle s’est servie des prisonniers de guerre comme gage de la bonne application du Traité de Versailles
Clemenceau considère les prisonniers comme d’un « instrument pédagogique » pour faire porter à l’Allemagne les responsabilités de la guerre et obtenir d’elle le tracé définitif des frontières orientales en profitant de l’avantage des armes. Dès lors, les prisonniers se muent en un tribut humain destiné à forcer l’Allemagne à accélérer le paiement des réparations et l’envoi de travailleurs en France pour participer à la reconstruction et à endosser la totale responsabilité de la guerre.
De janvier 1919 à janvier 1920, entre 250 000 et 310 000 hommes déblaient les ruines de près de 600 000 maisons, 20 000 usines, et déminent près de trois millions d’hectares de terres agricoles
Les prisonniers n’oublièrent jamais les agissements des autorités françaises et une haine tenace les anime lors de leur retour au pays. Ils contribuent ainsi largement aux campagnes de propagande en fournissant témoignages et informations dans le but d’atteindre la France.

L’Allemagne rapatrie les prisonniers à ses frais, comme cela est stipulé dans le traité de Paix. Chaque homme est nourri, reçoit un colis de vêtements et une somme de 350 Marks. Elle doit aussi fournir les trains, ainsi que le personnel pour les faire fonctionner.

Conclusions

Pour certains allemands les conditions de l’année 19-20 seront lourdes de conséquences dans la perception de l’après guerre et du traité de Versailles. Cela contribuera sans aucun doute à la montée du fascisme.
La propagande allemande se servira des témoignages et surtout du ressenti des prisonniers de guerre pour fomenter une agitation dans les populations
L’Allemagne perçoit la signature du Traité « Diktat » de Versailles comme une humiliation et les Allemands vivent l’amputation de leur territoire, la désagrégation de leur armée, le montant extravagant des réparations, et sans doute, la retenue de leurs enfants, gage d’application dudit traité, comme un véritable camouflet.

Il faudra la deuxième séquences de cette guerre civile européenne en 39-45 pour qu’enfin, sur les ruines de cette Europe meurtrie, on puisse reconstruire, grâce à la volonté de peu d’hommes et femmes et fondée sur la réconciliation Franco-Allemande, cette Europe des 6, puis douze, qui englobe aujourd’hui presque toutes les nations du continent.



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