vendredi 4 mai 2018

Des prisonniers Allemands dans le Gâtinais (7)


Le Camp de Châlette

Fin de l’année 1916, la décision est prise de créer un nouveau dépôt dans la région. Les autorités militaires s’arrêtent sur un espace entouré de mur, vacant, planté de mûrier et d ‘amandier, le parc d’une gentilhommière du 18e, rasée en 1910. L’armé renforce la clôture par un réseau de fils de fer barbelé haut de 4 m pour éviter les évasions.
12 Baraquements furent érigés dans le camp dont 8 de 30 m de long , les 3 pour les services, (administratif, cantine, infirmerie) étaient plus petits entre 7 et 10 m de long, sur le modèle Adrian bien maîtrisé par le génie militaire
le 10 janvier 1917 partent des Groues 25 prisonniers, dont la tâche principale sera de construire le camp.
Il va se remplir petit à petit et pas seulement avec des prisonniers en provenance des Groues, mais de bien autres horizons.
Le 28 mars, le général de division Vérand inspecte le camp, il y a alors une centaine de prisonnier. Il ira aussi inspecter celui de Paucourt.
La population chalettoise est plutôt hostile :  « certain chalettois, chauffé par la propagande n’hésitent pas à cracher leur mépris et leur colère sur les prisonniers »
Il va accueillir en 1918 au moins 5350 prisonniers, selon la source allemande, 8000 selon le journal local, en temps que de dépôt. Car comme on va le voir, ils seront redistribués sur des détachement nombreux, hors du département du Loiret.

Les chantiers détachements

Ce qui frappe de cette carte ci à gauche c’est le nombre extraordinaire de chantier détachement d’une part, et leur localisation majoritairement situé à l’extérieur du Loiret, principalement en Seine et Marne, pour certain à la limite nord du département, au delà de Meaux.. 86 détachements cités, ce qui veut dire que les 2/3 des prisonniers du dépôt de Châlette sont en fait à l’extérieur du camp qui les gère. (Voir la liste en annexes)
12 chantiers n’ont pu être localisés par le nom retrouvé sur ce document, sans doute des lieux dits.
De loin la Seine et Marne, avec au mois 56 chantiers remporte la palme, et c’est le Loiret qui ferme la marche.
Mais si on regarde à gauche de la carte, ou le dépôt majeur est Étampes, encore plus important que Montargis-Châlette, on remarque que les détachements sont largement répandus dans la Beauce, plaine agricole comme la Brie. La tâche première de ces détachements est fondamentalement agricole : Au mois d’octobre 1917, 1500 rentreront de différents chantiers agricoles.
Depuis décembre 1915 est constitué dans chaque département une commission agricole sous la présidence du préfet qui affecte les ressources en fonction des besoins. Le Loiret en 1917 a une « compagnie agricole » de 1200 individus dont 200 affectés aux travaux forestiers.
Les travaux de fenaison, des moissons, nécessitant beaucoup de main d’œuvre sont bien vite les débouchés naturels de cette force de travail à bas coût, puisque la décision de réduire le coût journalier demandé par l’état aux employeurs vient de baisser grâce à l’action du groupe parlementaire de Défense paysanne
le 16-12 1918 la journée passe de 2 F à 1F25. Au mois d’août 19 le conseil général demande encore des prisonniers des camps « qui regorgent d’allemands et d’autrichiens »

Tranches de vie


Le 10 avril 1917 - Mme Courtat lavait son linge à un gué de la rive gauche du canal. Un bateau halé par un attelage de chevaux tend brusquement le cordage et jette la pauvre femme dans le canal. Un homme tente de lui porter secours, en face d’un groupe de prisonnier revenant du travail vers la rue Dom Pedre, voyant la femme se débattre dans l’eau, un des prisonniers se jette tout habillé dans le canal qu’il traverse et réussit à la rejoindre et à la ramener sur la berge.
« Il est probable que le prisonnier allemand, dont la conduite est digne d’Éloges, recevra la récompense de son acte de courage. »
Le 12 Avril, un convois de prisonniers et de garde du 169e suit le corbillard jusqu’au cimetière d’un jeune de 20 ans décédé des suites de ces blessures deux jours auparavant à l’hôpital 22. Un piquet en armes lui rend les honneurs militaires. C’est la seule relation d’obsèques de prisonniers allemands dans le journal local.
L’offensive du Chemin des Dames bat son plein, 205 soldats capturés à Craonne sont dirigés sur le camp de Châlette, presque tous très jeunes, semblaient avoir soufferts.
Au mois de juillet, les grandes chaleur de l’été aidant, la rue Gambetta va être témoin d’une scène qui a failli tourner au Drame :
« Le 8 juillet, à 16 h30, à l’hôpital complémentaire de la rue Gambetta, le prisonnier de guerre Autrichien Pastarcie Stéjan, a été pris d’une violente crise de délire alcoolique.../...
Après avoir cogné plusieurs de ses camarades de chambrée, il mord au pouce et blesse d’un coup de sa baïonnette le soldat de garde. Réussissant à échapper à ceux qui essaye de le maintenir, il se réfugie sur le bord extérieur d’une fenêtre et menace de se jeter dans le vide.
../...Melle Deligny, infirmière, réussit cependant, avec sang froid et courage, à le maintenir dans cette position en ne cessant de lui causer, jusqu’à l’arrivée de M Gaudon , officier d’administration et du Sergent Loubiere, surveillant général.../...
Ils s’approchent, le sergent parvient se saisir de son poignet et brusquement, le fou se lance dans le vide.
Maintenu à bout de bras, l’officier gestionnaire lui prête main forte.
../...La foule atterrée, eut la satisfaction de le voir hisser dans sa salle l’autrichien écumant, enfin sorti de sa position critique.../... »
L’article se conclu sur une touche de propagande en mettant en exergue le soin avec laquelle les autorités françaises respectent les conventions de la Haye.
Fin juin 1917 200 prisonniers de divers cantonnements montargois sont dirigé sur le camp des Groues, pour ensuite être envoyé en suisse, pour échange ?
En Janvier 1918, un prisonnier succombe devant une motte de beurre dans un wagon qu’il décharge à la Gare, cela va se terminer pour lui en prison, 6 mois, dans ce contexte de restriction alimentaire de cette fin de guerre.
La fin de l’année 18 et le début 19 va être terrible de conséquences sur les prisonniers de guerre ; plus de 39 décéderont à l’hôpital entre le mois d’août 18 et janvier 19. Sans aucun doute des conséquences de la grippe qui ravage le pays, et les autres ….

Les Évasions

Comme tout les camps celui de Châlette n’échappera pas à la règle, dès lors que les conditions météo et de longueur du jour sont propices aux plans des évadés.
Le Gâtinais en rapporte au moins 8 de 1917 à la fin du camp
-15 mai 17 5 prisonniers s’évadent de Châlette, tous sont des sous officiers, parlent français et ont entre 29 et 21 ans, 1 jour plus tard, 3 autres entrent en cavale alors qu’il travaillait en foret où il est sans doute plus facile d ‘échapper à la surveillance.
4 jours plus tard , ils sont repris à Dicy et ramenés à Châlette par la gendarmerie de Charny. Il suivent la Voie Ferrée Montargis Sens en allant vers l’est, ils ont parcouru 33 km.
Une petite scène courtelinesque va s’ensuivre entre le découvreur M Duchemin, poseur domicilié au passage N°13, et le Brigadier de Gendarmerie. Après sa découverte des fuyards dans les bois de Dicy, il fait surveiller les évades par deux personnes , puis va chercher les forces de l’ordre et sous bonne garde les fuyards sont conduit à la prison de Charny.
« Maintenant , le brigadier de gendarmerie refuse de le faire avoir la prime offerte par votre journal, me disant qu’elle lui appartient, sous prétexte que je n’ai pas emmené les boches tous seul à la gendarmerie, Comment aurai je fait avec 5 bonhommes de cette force et sans arme ? »
Les 3 collègues du chantier forestiers seront eux repris plus tard et plus loin, une quinzaine de jours et un peu plus loin 66 km, à st Maurice-Thizouailles (89), découverts par Mme Coupa.
On s’évade aussi des détachements agricoles du camp: 7 prisonniers sont successivement passés de brigade en brigade du Nord du département de la Seine et Marne pour finir par celle de Bourron et de Souppes . (on est au mois de juin).

Plus rare, deux se font prendre avenue Cochery se dirigeant vers la foret par un ouvrier boulanger se rendant à son travail à 4h 30 (juillet 18). Évadés d’une exploitation agricole de Beaumont du Gâtinais , il seront reconduit à Châlette

Le tribu de la grippe


La pandémie de grippe, que l’on nommée grippe espagnole, alors
qu’aujourd’hui on sait qu ‘elle nous vient de chine (virus père), puis des États Unis,(mutation humaine). L’Espagne a cette époque est neutre, donc ne met pas en cause un allié, elle va porter « le chapeau », elle est la seule aussi à publier des informations statistiques, Cette pandémie a touché un tiers de la population mondiale, alors estimée à 1,9 milliard d'individus, et induit entre 40 et 100 millions de décès selon les estimations ; davantage donc que les 20 millions de morts de la Première Guerre mondiale.Elle va faire des ravages en Europe n’épargnant aucun type de population, que l’on soit civil, militaire ou prisonnier, elle est extrêmement contagieuse.
L’épidémie de grippe va toucher aussi la population des prisonniers, confinée dans ses baraquements. Le registre des décès de Montargis nous donne le nombre des décès de cette période fin 1918 et 1919. 70 prisonniers perdront la vie, tous les décès se sont peut-être pas imputables à la grippe, mais sans doute la plus grande majorité, et la répartition par mois ci contre démontre bien le pic entre octobre et novembre.
En 1918 les décès (du mois d’aout a décembre) des prisonniers allemands représenteront le 1/3 des décès des militaires dans les formations sanitaires encore en fonction
En 1919 , seul l’hôpital mixte à encore des militaires, la par contre les Allemands pèsent la plus de la moitié des décès sur la période de 1919 en entier (31/58)
L’age médian est compris entre 25 et 27 selon l’année
Le plus jeune, d’après la source, avait 17 ans , Robert Friedrich Möller

Le plus âgé , Braun Joahnn avait 43 ans en février 1919 lors de son décès à l’hôpital mixte, dernière formation sanitaire accueillant encore des militaires, et bien sur des prisonniers de guerre.

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